Coopération et partage autour des pratiques collaboratives

Archives ouvertes et licences Creative Commons : des synergies à conforter

En décembre dernier, une journée d’étude a eu lieu au CNRS à Paris pour célébrer les 10 ans de l’archive ouverte HAL-SHS. On m’avait demandé d’intervenir à la table-ronde juridique de la matinée pour faire une présentation sur l’utilisation des licences Creative Commons dans le cadre des archives ouvertes. J’avais déjà eu l’occasion d’écrire sur ce blog à propos des liens entre licences libres et Open Access, mais cette invitation au CNRS m’a permis de refaire un point sur la question. A la demande des organisateurs de la journée, je publie ci-dessous une synthèse de mon allocution, remise en forme et détaillée à partir de mes notes.

halshs

Une des nouveautés importantes de la v3 du portail HAL mise en production l’année dernière a justement consisté à permettre aux chercheurs d’associer clairement aux contenus qu’ils déposent sur la plateforme une licence Creative Commons pour en favoriser la réutilisation. Cette fonctionnalité faisait défaut auparavant et les chercheurs qui souhaitaient utiliser les Creative Commons étaient obligés de « bricoler » pour faire figurer cette mention dans les fichiers déposés, sans que ce choix soit clairement répercuté dans les métadonnées associées au contenu. La situation a heureusement évolué et on peut maintenant s’attendre à ce que les chercheurs puissent plus facilement se poser la question du statut juridique sous lequel ils souhaitent diffuser leurs travaux.

En l’état du droit, les chercheurs demeurent cependant entièrement libres de choisir d’opter pour une des six licences Creative Commons existantes, tout comme leur appartient le choix de déposer ou non leurs productions dans une archive ouverte.

cc graph

La future loi numérique, en cours d’adoption au Parlement, va vraisemblablement faciliter le dépôt en archives ouvertes des articles publiés dans des revues commerciales. Elle prévoit en effet d’instaurer un nouveau droit au dépôt pour le chercheur 6 mois après la publication de l’article pour les sciences exactes et 12 mois pour les SHS, quelles que soient par ailleurs les cessions de droits consenties par contrat avec les éditeurs scientifiques. Il en résultera une plus grande liberté pour le chercheur de diffuser ses travaux en Open Access dans une archive ouverte comme HAL et partant, d’opter pour une licence Creative Commons s’il le souhaite.

Je ne reviens pas plus en détail avant d’aller plus loin sur ce que sont les licences Creative Commons. Si vous n’êtes pas familier avec ces outils juridiques, je vous recommande de regarder cette vidéo introductive, réalisée par le Ministère de la Culture.

 Un point sur l’adoption des licences Creative Commons

Les licences Creative Commons ne constituent plus aujourd’hui une nouveauté. Elles ont déjà plus d’une décennie d’existence et la fondation Creative Commons estimait lors de son dernier pointage à la fin de l’année 2015 que plus de 1,1 milliards d’oeuvres étaient diffusées sous CC dans le monde, avec un taux d’accroissement constant.

cc2015

Creative Commons constate également qu’au fil du temps, les utilisateurs optent pour des licences de plus en plus ouvertes, notamment en ce qui concerne la modification et l’usage commercial. On voit sur le graphe ci-dessous que la majorité des licences retenues en 2015 correspondent à des licences « libres » au plein sens du terme (CC-BY, CC-BY-SA ou CC0).

ccfree

Enfin un dernier point intéressant est à relever dans ces statistiques : l’usage des Creative Commons est le plus fort dans les domaines de la diffusion de photographies et de textes en ligne. Mais les articles scientifiques commencent à apparaître de manière significative.

ccstats

L’étude fait état de 1, 4 millions d’articles scientifiques diffusés sous licence Creative Commons dans le monde. Le principal réservoir d’articles sous CC est le site de la mega-revue américaine PLoS (Public Library of Science) avec 140 000 articles. La base de données bibliographiques DOAJ (Directory Of Open Access Journals) signale de son côté 1, 3 millions d’articles sous Creative Commons (dont 675 000 sous CC-BY). Ce site présente d’ailleurs l’intérêt de permettre des recherches au sein des articles selon les conditions de réutilisation (ce qui n’est pas encore hélas possible de son côté HAL).

Quelques idées reçues à dissiper concernant les Creative Commons

Malgré cette large adoption, on entend encore trop souvent – notamment en France – des idées reçues à propos des licences Creative Commons, qu’il paraît important de dissiper. C’est notamment essentiel pour que les chercheurs puissent faire leur choix en pleine connaissance de cause.

Les Creative Commons ne constituent pas un renoncement au droit d’auteur

On entend parfois que les auteurs qui choisissent de diffuser leurs oeuvres sous Creative Commons « renoncent » à leur droit d’auteur. C’est complètement inexact. Les licences Creative Commons constituent un moyen parmi d’autres pour les créateurs d’exercer leurs droits d’auteur, qui doit être compris comme un droit d’autoriser autant que d’interdire. Avec une licence CC, l’auteur fait connaître de manière publique son intention d’autoriser la réutilisation de son oeuvre.

Toutes les licences Creative Commons permettre la reproduction et la rediffusion des oeuvres (y compris en ligne). Mais l’auteur garde la faculté de maintenir des conditions à la réutilisation en sélectionnait certaines des options proposées par les licences (NC=pas d’usage commercial, ND=pas de modification, SA= partage à l’identique). Ces restrictions maintenues par le créateur trouvent pleinement leur fondement dans le droit d’auteur.

Par ailleurs, il ne saurait être question de « renoncement » dans la mesure où les licences Creative Commons prévoient explicitement que les auteurs ont la faculté de modifier leur choix pour changer de licence ou refaire passer leurs créations sous un régime classique « Tous droits réservés ». Dans le cas où ils choisissent d’opter pour un régime de réutilisaion plus restrictif, ils ne peuvent cependant remettre en cause les réutilisations effectuées de bonne foi sous la licence précédente, ce qui est logique pour préserver la sécurité juridique. En revanche à l’avenir, les utilisateurs seront bien obligés de respecter les nouvelles conditions retenues par l’auteur.

Les Creative Commons sont valides juridiquement et opposables en justice

Les Creative Commons constituent des contrats de droit d’auteur, par lesquels l’auteur et les réutilisateurs de l’oeuvre se reconnaissent des droits et obligations respectifs, variables selon les licences retenues. Le Code de propriété intellectuelle permet aux auteurs d’utiliser de tels procédés pour la diffusion de leurs créations, notamment par le biais de l’article L. 122-7-1 :

L’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues.

Il en résulte qu’en cas de violation des conditions posées par les licences, l’auteur a la faculté de s’en plaindre auprès du réutilisateur et de saisir la justice au cas où celui-ci refuserait d’obtempérer. Plusieurs affaires de ce type ont déjà été examinées par les tribunaux dans le monde, qui ont conclu à chaque fois à la validité des licences, y compris dans des pays comme l’Espagne, les Pays-Bas ou l’Allemagne aux systèmes juridiques proches de la France.

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Une liste de cas où la validité des Creative Commons a été reconnue en justice

Aucun contentieux n’a jamais encore eu lieu en France au sujet de l’application d’une licence Creative Commons. Mais pour ceux qui douteraient encore de leur validité juridique, il suffit de faire remarquer que le propre site du Ministère de la Culture est placé sous CC-BY depuis 2014 !

Les Creative Commons ne constituent pas une incitation au plagiat

En aucune façon, les Creative Commons ne constituent une incitation au plagiat des travaux scientifiques et une oeuvre placée sous Creative Commons n’est pas plus facile à plagier que si elle était maintenue sous un régime « Tous droits réservés ».

En effet, toutes les licences Creative Commons imposent comme condition de respecter la paternité de l’auteur en cas de réutilisation (condition BY – Attribution). C’est une exigence imposée en France au titre de la protection du droit moral de l’auteur et les licences Creative Commons ne changent rien à cela. Au contraire, elles expriment formellement cette obligation de citer l’auteur original en cas de réutilisation. Dans le cas où un réutilisateur omettrait de mentionner la paternité de l’auteur ou – pire – remplacerait le nom de l’auteur par le sien, cet acte serait bien illégal et constituerait une violation de la licence, opposable au besoin en justice comme nous l’avons vu ci-dessus.

Les choses sont identiques en cas de modification des oeuvres. Lorsque l’auteur ne retient pas la condition ND (No Derivative = Pas de modification), il autorise les modifications et adaptations de son oeuvre. Mais lorsqu’un réutilisateur produit une telle modification, il reste obligé d’une part d’indiquer la source de l’oeuvre dont il s’est servi et d’autre part d’indiquer clairement que sa production constitue une oeuvre dérivée, distincte de l’oeuvre originale. Il ne doit pas y avoir de doute sur la nature de la nouvelle oeuvre et laisser penser par exemple qu’elle est le fruit de l’auteur original. Un peu comme c’est le cas en matière de citation, les licences CC imposent donc bien de faire la distinction entre la création originale et ses dérivés subséquents.

Une article placé sous Creative Commons dans une archive ouverte n’est donc en rien plus « facile » à plagier qu’un article laissé sous un régime « Tous droits réservés ».

Les Creative Commons sont compatibles avec une publication chez un éditeur commercial (et ce sera d’autant plus le cas à l’avenir). 

Les chercheurs concluent avec les éditeurs scientifiques des contrats par lesqueles ils leur cèdent tout ou partie de leurs droits et cette problématique est centrale pour l’Open Access. Ces cessions peuvent empêcher ou retarder le dépôt en archive ouverte des articles, à l’issue d’une période variable d’embargo. On peut se demander – et on entend aussi dire parfois – que publier un article chez un éditeur commercial empêcherait ensuite la diffusion de l’article sous Creative Commons.

La vérité est plus nuancée. En effet, si l’auteur cède tous ses droits à l’éditeur, il n’a plus alors la faculté d’utiliser de son côté une licence Creative Commons (mais il ne pourra alors pas non plus déposer son article dans une archive ouverte de toutes façons). Lorsque l’éditeur accepte le dépôt d’une version de l’article en archive ouverte, il assortit généralement cette autorisation de conditions. Pendant longtemps, il a donc été préférable de faire explicitement figurer dans le contrat d’édition la possibilité pour l’auteur d’utiliser une licence Creative Commons pour le dépôt en archive ouverte. Des modèles d’addendum aux contrats d’édition avaient même été produits pour faciliter pour les chercheurs cette négociation.

Avec la future loi numérique, les choses vont vraisemblablement s’avérer plus simple à l’avenir. La loi devrait en effet, à l’issue d’une période d’embargo (6 mois en Sciences dures, 12 mois en SHS), donner aux chercheurs le « droit de mettre à disposition gratuitement sous une forme numérique […] la version finale du manuscrit acceptée pour publication » à la condition que cette diffusion ne puisse donner lieu « à une activité d’édition à caractère commercial« .

On en déduit donc que par défaut les chercheurs pourront utiliser sans avoir à revenir vers leur éditeurs les licences Creative Commons comportant la clause NC (Pas d’usage commercial), type BY-NC, BY-NC-SA ou BY-NC-ND. Ce n’est que s’ils souhaitent pouvoir employer une licence plus ouverte (BY, BY-SA) qu’il sera nécessaire que ce soit explicitement mentionné dans le contrat d’édition.

Les Creative Commons peuvent permettre de construire des modèles économiques 

On entend aussi parfois que les Creative Commons seraient nécessairement synonymes de gratuité et qu’ils ne permettraient pas la mise en place de modèles économiques pour soutenir la création de contenus.

C’est également une affirmation fausse. Je vous recommande à ce sujet de consulter l’ouvrage « Open Models : les modèles économiques de l’Open » publié (sous CC et en Open Access) par Without Model, qui contient une partie sur l’Open Science et l’Open Education. Il montre que des modèles économiques sont possibles à partir de contenus ouverts.

Dans le domaine de l’Open Access, on peut par exemple citer le projet Knowledge Unlatched qui propose à des établissements de recherche et à des bibliothèques de financer par souscriptions des monographies scientifiques placées ensuite sous Creative Commons.

Quels bénéfices attendre de l’usage des Creative Commons ?

Le bénéfice principal que l’on peut attendre de l’Open Access est favoriser l’accès en ligne aux articles scientifiques, sans avoir à se heurter à des paywalls. Déposer un article dans une archive ouverte comme HAL, sans opter pour une licence Creative Commons, c’est déjà bien sûr oeuvrer pour une diffusion plus large de la Science.

La vraie question pour les chercheurs, c’est de savoir ce que les licences Creative Commons peuvent apporter en plus pour la diffusion de leurs travaux, par rapport au fait de laisser leurs articles sous un régime « Tous droits réservés ». On peut commencer à répondre en disant qu’avec les CC, les archives ouvertes ne sont plus seulement un lieu d’accès aux productions scientifiques ; elles deviennent aussi des réservoirs de ressources réutilisables.

Or cette question de la réutilisation devient de plus en plus important aujourd’hui, notamment par qu’elle est poussée au niveau de l’Union européenne à travers la notion d’Open Science qu’entend promouvoir la Commission à travers le programme H2020 (voir à ce sujet, ce support de Pierre Naegelen, présenté également lors de la journée des 10 ans SHS).

Voici ci-dessous une liste (non exhaustive) des bénéfices que l’on peut attendre de la diffusion des contenus scientifiques :

Favoriser la republication des articles

Il est bien sûr essentiel que les chercheurs déposent prioritairement leurs productions dans HAL (notamment parce que ce portail garantit une préservation à long terme des contenus). Mais opter pour les Creative Commons permet aussi de rendre les contenus plus circulants et de maximiser ainsi leur visibilité et leur diffusion sur d’autres sites.

Cette faculté de republication qu’autorisent toutes les licences Creative Commons peut notamment servir à mieux valoriser les contenus figurant dans les archives ouvertes, ce qui constituera un des enjeux essentiels à l’avenir.

On pense notamment aux projets de développement des « épi-revues » que le CCSD expérimente déjà dans le cadre du projet Episciences :

[…] il s’agit de permettre l’émergence « d’épirevues », à savoir des revues électroniques en libre accès, alimentées par les articles déposés dans les archives ouvertes telles que HAL ou arXiv, et non publiés par ailleurs […] Les épirevues peuvent ainsi être considérées comme une « sur-couche » aux archives ouvertes ; ils y apportent une valeur ajoutée en apposant la caution scientifique d’un comité éditorial à chaque article validé.

A partir d’articles scientifiques déposés en CC, les épi-revues pourraient se développer en reprenant les contenus en plein texte, et pas simplement sous la forme de collection de liens hypertexte.

Favoriser les rematérialisations et les réimpressions 

HAL contient principalement des articles, mais on y trouve aussi une proportion notable de contributions à des monographies, de communications effectuées dans des colloques ou de rapports de recherche.

Un des avantages des licences Creative Commons, c’est qu’elles autorisent toutes la reproduction, et donc l’édition et l’impression, d’ouvrages papier à partir des contenus en ligne. La diffusion des CC au sein de HAL permettrait donc de transformer l’archive ouverte en réservoir dans lequel puiser pour créer des ouvrages à partir de compilations d’articles (ou autres contenus) sur un sujet donné et les diffuser en version papier, ce qui présente aujourd’hui encore un intérêt certain malgré la bascule vers le numérique.

Par ailleurs pour les monographies elles-mêmes, il y a un intérêt également à utiliser les Creative Commons pour lutter contre le phénomène de l’indisponibilité, fréquent dans le domaine de l’édition scientifique où les tirages sont généralement très limités. Diffuser un ouvrage sous Creative Commons, c’est la garantie qu’il ne sera jamais épuisé, puisque des tiers seront toujours à même de procéder à une réédition (et c’est aussi un des intérêts de ne pas utiliser la clause NC).

Favoriser les traductions 

Sauf lorsqu’elles comportent une clause ND (No Derivative – Pas de modification), les licences Creative Commons autorisent la traduction des oeuvres. On imagine là aussi l’intérêt qu’il peut y avoir pour un chercheur – notamment francophone – à autoriser a priori la traduction de ses articles par des pairs pour favoriser leur diffusion dans des pays étrangers.

On pourrait imaginer d’ailleurs des projets de traduction de contenus scientifiques diffusés dans HAL sous Creative Commons, en mobilisant la communauté des chercheurs. Et ce type d’actions serait d’autant plus faciles à monter que les autorisations sont données a priori par les auteurs grâce à une licence CC.

Développer le Text and Data Mining, sans attendre une exception législative 

Voilà un des enjeux liés aux licences qui pourraient devenir absolument décisif pour l’avenir. On parle beaucoup de l’importance de favoriser le développement de la fouille de texte et de données (Text and Data Mining – TDM) pour ouvrir de nouveaux champs à la recherche. Or le TDM se heurte actuellement à de nombreuses barrières juridiques, car il n’est pas possible d’entreprendre des fouilles à partir de contenus ou de bases protégées, sans enfreindre le droit d’auteur ou le droit sui generis des bases de données.

L’introduction d’une exception législative en faveur du TDM a été envisagée dans le cadre de l’examen de la loi numérique (à l’instar de ce qui existe au Royaume-Uni), mais elle ne sera hélas visiblement pas adoptée par le Parlement. Une piste existe aussi au niveau européen pour adopter une telle exception, mais cela risque encore de prendre plusieurs nombreuses années pendant lesquelles la recherche sera toujours entravée.

Dans l’intervalle, les archives ouvertes pourraient constituer des réservoirs de contenus utilisables pour effectuer de la fouille de textes et de données, en garantissant aux chercheurs une bonne sécurité juridique. Mais pour cela, il est nécessaire qu’un maximum de contenus soient placés par les chercheurs-déposants sous licence Creative Commons.

En autorisant par défaut la reproduction des oeuvres, les CC permettent en effet de constituer légalement des corpus de sources pour effectuer du Text and Data Mining. Par ailleurs depuis la version 4.0 de 2014, les Creative Commons prennent aussi en compte le droit des bases de données, ce qui veut dire que les licences sont aussi utilisables pour la diffusion des données de la recherche. L’une des ambitions de HAL étant de s’ouvrir à la diffusion des données liées aux articles de recherche, on comprend que les CC pourraient constituer un outil extrêmement précieux pour favoriser la fouille de textes et de données, sans attendre que la loi change.

Une des limites de la démarche risque d’être cependant l’hétérogénéité du contenu de HAL. Les auteurs restant libres d’utiliser les Creative Commons ou pas (et de choisir une licence parmi les six), on aura donc fatalement dans l’archive des contenus sous des statuts juridiques différents, sans compter que la grande masse du rétrospectif va rester sous un régime « Tous droits réservés » (qui interdit par défaut le TDM). On mesure là la différence avec un site comme PLoS aux Etats-Unis où dès l’origine les articles étaient nécessairement diffusés sous Creative Commons, et tous sous la même licence (CC-BY).

Favoriser le travail collaboratif 

A plus long terme, on peut imaginer que l’usage des Creative Commons finisse par changer le mode de production des publications scientifiques, en favorisant la coopération et le travail collectif. Je vous renvoie sur ce point à l’article que j’ai écrit cet été à propos de la « wikification de la Science comme nouvel horizon pour l’Open Access« .

Pour en finir avec le paradoxe des Creative Commons et de la Voie Verte (Green Road)

Je voudrais terminer en soulignant un paradoxe qui mérite d’être questionné. A l’origine du mouvement de l’Open Access dans la déclaration de Budapest de 2001, un lien très fort été établi entre Libre Accès et licences libres pour que les articles deviennent non seulement accessibles en ligne, mais réutilisables :

Par « accès libre » à cette littérature, nous entendons sa mise à disposition gratuite sur l’Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces articles, les disséquer pour les indexer, s’en servir de données pour un logiciel, ou s’en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l���accès et l’utilisation d’Internet. La seule contrainte sur la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l’intégrité de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités.

Ce lien s’est hélas rapidement distendu – et tout particulièrement en France – où l’on a fini par se « contenter » d’un Open Access sans licence libre, en se disant que c’était déjà une manière de faire avancer la cause. Certains acteurs éminents de l’Open Access français prônent même à présent une véritable distinction entre l’accès libre et l’accès ouvert.

Le problème, c’est que du coup, les Creative Commons sont encore relativement absents du côté de la « Voie Verte » (Green Road) de l’Open Access, alors qu’ils se développent au contraire du côté de la « Voie Dorée » (Gold Road). J’ai déjà cité ici l’exemple de la mega-revue PLoS qui a d’emblée fait un choix très fort en faveur des Creative Commons. Et paradoxalement, même des éditeurs commerciaux comme Springer peuvent être à présent des acteurs importants de la diffusion de contenus libres (voir par exemple le programme Springer OpenBooks). Le problème, c’est que ces formes de Gold Open Access s’inscrivent aussi dans des modèles économiques « auteurs-payeurs » soulevant à juste titre de nombreuses critiques, en raison des coûts qu’ils continuent à faire peser sur les finances publiques.

C’est la raison pour laquelle il existe un enjeu majeur à « reconnecter » l’usage des licences Creative Commons avec la Voie verte. Et c’est bien la plateforme HAL à présent qui peut constituer l’instrument de cette réconciliation en France. Sachant qu’HAL n’est qu’un outil technique et que la décision reste dans les mains des chercheurs ou dans la définition de politiques ambitieuses au niveau des établissements (comme on peut le voir à l’INRIA par exemple, qui a mis en place une obligation de dépôt des publications dans HAL avec une préconisation forte en faveur de la licence CC-BY).

Il faudra sans doute beaucoup de pédagogie, d’accompagnement, mais aussi de volontarisme politique, pour que les synergies entre les Creative Commons et l’Open Access puissent pleinement s’exprimer, mais sans cela l’Open Science est condamnée à rester un vain mot.

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